Quelques considérations politiques sur l’accord de trêve/cessez-le-feu en discussion

Ramy Shaath 5 février 2023

Le 25 janvier, soit la veille de la décision de la Cour Internationale de Justice, s’est tenue une réunion à Paris entre des responsables des Renseignements français, étatsuniens, israéliens, qatariens et égyptiens. Elle a débouché sur une proposition clairement concoctée pour défendre les intérêts d’Israël, contrairement à ce que pourraient laisser croire des déclarations contradictoires de ses dirigeants. C’est ainsi qu’il faut comprendre le jeu de pressions successives auquel on assiste. Le Qatar, dont des responsables ont été convoqués à Washington, a subi des pressions, qu’il a exercées à son tour sur le Hamas pour ratifier cette proposition. Pour ce faire, il a précipité une déclaration diffusée par Al Jazeera selon laquelle l’organisation était sur le point d’annoncer son accord. Cette manœuvre psychologique en direction du peuple palestinien visait à provoquer une pression émanant de celui-ci sur le Hamas. Les Etats-Unis ont également cherché à l’affaiblir dans les négociations en bombardant les forces combattantes en Syrie, en Irak et au Yémen. Le but a été de fragiliser cet axe de la Résistance, pour qu’il exerce une pression supplémentaire sur l’organisation palestinienne.

Encore une fois, l’ensemble de ces pressions signale combien le texte discuté sur les conditions et les étapes vers le cessez-le-feu sont pour l’heure profitables à Israël et aux Etats-Unis. Pour le premier, il s’agirait d’une opportunité pour réorganiser ses troupes et se réarmer en vue de poursuivre le massacre sans limites à Gaza. Pour les seconds, cet accord constituerait un coup double en ce qu’ils pourraient récupérer les otages binationaux, tout en apparaissant comme les faiseurs de trêve. Ils pourraient aussi chercher à écarter du gouvernement Smotrich et Ben-Gvir, ses éléments les plus radicaux, voire à se débarrasser de Netanyahu.

Du côté de la Résistance palestinienne, il faut bien comprendre les coordonnées du problème. Tout d’abord, se pose l’absence de garanties quant à une trêve qui déboucherait sur un cessez-le-feu. Il est question d’une phase transitoire de 45 jours, au cours de laquelle seraient acheminées des aides, réhabilités des hôpitaux, et auraient lieu des échanges de prisonniers palestiniens en nombre contre les prisonniers israéliens retenus à Gaza. Sans garantie internationale sérieuse d’un cessez-le-feu permanent, la crainte est réelle qu’Israël puisse au moment voulu reprendre le déchainement de violence sans limites, en vue de la destruction systématique de ce qui est encore nommé officiellement les « infrastructures du Hamas ». Par ailleurs, pèse aussi dans la décision la libération ou non des trois dirigeants que sont Marwan Barghouti du Fatah, Ahmed Saadat du FPLP et Abdallah Barghouti, commandant des Brigades Al Qassam en Cisjordanie. L’enjeu des échanges de prisonniers n’est pas seulement d’ordre patriotique, mais politique dans la mesure où la libération de Marwan Barghouti orienterait la réorganisation du Fatah en des termes plus favorables à la Résistance et renforcerait les conditions d’un cessez-le-feu permanent. Il faut le préciser : les termes actuels de l’accord rendent très difficile la signature du Hamas.

Du côté de l’espace politique palestinien, se discutent les modalités de sa propre recomposition. S’il est certain que, depuis plus de quatre mois, notre peuple, en proie à une génocide, est massacré, affamé, assiégé, la Résistance se trouve tout de même dans une situation victorieuse en matière opérationnelle. Rappelons que l’occupant n’a réalisé aucun de ses objectifs. Dans tous les endroits où l’armée israélienne est présente ou essaie d’avancer, il y a des affrontements très forts et des pertes importantes en son sein. En termes politiques et stratégiques, la Résistance armée a encore les capacités pour les semaines, voire les mois à venir, pour affronter l’armée d’occupation. De ce fait, nous ne sommes pas dans un moment qui contraindrait à accepter des concessions inacceptables. L’option est celle-ci : un cessez-le-feu permanent ou la poursuite des combats. Quoi qu’il arrive, notre mobilisation doit se poursuivre, en prenant en compte que même si un accord était conclu, il resterait fragile et qu’il s’agirait alors de se battre pour obtenir sa pérennité.